Pourquoi envisager de retirer sa LPP pour créer son entreprise ?
Créer son entreprise implique souvent des besoins de financement importants : frais de constitution, communication, marketing, achats de matériel, locaux, assurances… Pour bon nombre d’entrepreneurs en Suisse, la question du financement initial est cruciale. Dans ce contexte, il peut être tentant – et parfois nécessaire – de recourir à son 2e pilier, autrement dit de retirer son capital de prévoyance professionnelle (LPP).
Retirer sa LPP pour lancer son activité permet de disposer rapidement de liquidités, sans passer par un prêt bancaire ou une levée de fonds, souvent complexes et longues à obtenir. C’est un levier de financement personnel, potentiellement puissant, qui peut donner l’impulsion nécessaire pour démarrer son activité dans de bonnes conditions.
Mais attention : une telle démarche doit être mûrement réfléchie. En effet, ce capital est initialement destiné à garantir un niveau de vie à la retraite ou en cas d’invalidité. Il constitue l’un des piliers de la sécurité financière future, et son retrait entraîne des conséquences à long terme.
C’est pourquoi la législation encadre strictement cette possibilité et impose plusieurs conditions. Le retrait est autorisé uniquement dans certaines situations, notamment dans le cadre d’un projet entrepreneurial concret et bien défini. Il ne s’agit donc ni d’un droit automatique, ni d’une simple formalité administrative.
Dans les chapitres suivants, nous allons explorer les critères, démarches, risques et bonnes pratiques à adopter pour réussir ce processus en toute légalité et avec clairvoyance.
Comprendre le rôle de la LPP dans la prévoyance suisse
Le système suisse de prévoyance repose sur le modèle des trois piliers :
Le 1er pilier est la prévoyance étatique (AVS/AI), qui offre une couverture de base obligatoire à toutes les personnes actives en Suisse.
Le 2e pilier est la prévoyance professionnelle, également appelée LPP (Loi sur la Prévoyance Professionnelle), financée conjointement par les employeurs et les employés.
Le 3e pilier est la prévoyance individuelle et facultative, sous forme d’épargne personnelle avec avantages fiscaux.
La LPP vise à compléter les prestations de l’AVS, afin de garantir environ 60 % du dernier salaire au moment de la retraite. Elle joue également un rôle important en cas d’incapacité de travail ou de décès, en assurant des prestations pour invalidité ou des rentes pour les survivants.
Dès l’âge de 17 ans, tout salarié cotise à la LPP contre les risques d’invalidité et de décès. À partir de 24 ans, les cotisations commencent à financer les prestations de vieillesse. Les montants cotisés sont versés sur un compte individuel, qui constitue l’avoir de prévoyance accumulé par la personne assurée.
Cet avoir LPP est donc une épargne obligatoirement constituée tout au long de la carrière professionnelle. Il est en principe bloqué jusqu’à la retraite, sauf dans certains cas prévus par la loi, comme l’acquisition de sa résidence principale ou la création de son entreprise.
Le retrait anticipé de la LPP constitue donc une exception, justifiée par l’intérêt économique et personnel du projet d’indépendance. Toutefois, ce mécanisme n’est pas sans conséquences, puisqu’il entraîne la perte de couverture LPP (notamment pour le risque décès et invalidité) et peut compromettre la stabilité financière future si le projet échoue.
Il est donc essentiel d’évaluer soigneusement les enjeux de cette décision avant d’engager les démarches administratives.
Les précautions à prendre avant de retirer sa LPP
Avant de se lancer dans une demande de retrait anticipé de son avoir LPP, il est impératif de prendre certaines précautions. Cette décision peut avoir un impact significatif sur la sécurité financière à long terme, en particulier sur la retraite. Voici les éléments à analyser minutieusement avant d'entamer cette démarche.
Analyser la viabilité de son projet entrepreneurial
Le premier réflexe doit être d'évaluer sérieusement la faisabilité et la solidité du projet. Un business plan structuré, un plan de financement réaliste, une analyse de marché approfondie et une stratégie commerciale bien définie sont des éléments essentiels pour estimer le potentiel de réussite. Pour bien poser les bases de votre projet, découvrez notre guide complet Rédiger un business plan, une ressource essentielle pour formaliser vos idées et sécuriser votre démarrage. Si le projet échoue, les fonds retirés ne pourront pas être réinjectés dans la LPP, ce qui représente un risque non négligeable.
Considérer l’impact sur la prévoyance retraite
Le retrait d’une partie ou de la totalité du 2e pilier entraîne une réduction des futures prestations de retraite. Le montant du capital disponible à l’âge de la retraite sera inférieur, à moins de pouvoir reconstituer cette somme par une épargne volontaire. Certains entrepreneurs optent pour une assurance complémentaire ou un rachat dans le 2e pilier lorsque leur situation financière le permet à nouveau.
Mesurer la perte de couverture invalidité et décès
Tant que le capital reste investi dans une caisse de pension, l’assuré bénéficie également d’une couverture contre les risques d’invalidité et de décès. Une fois les fonds retirés, cette couverture disparaît, sauf si elle est réassurée par une police privée. Il est donc essentiel d’envisager une solution de remplacement, comme une assurance perte de gain ou une assurance décès.
Anticiper les implications fiscales
Le retrait de la LPP est soumis à une imposition séparée, à un taux préférentiel, mais calculée en fonction du montant et du canton de résidence. Cette charge fiscale peut représenter plusieurs milliers de francs. Il convient de se faire conseiller par un expert pour optimiser l’impact fiscal du retrait.
Se préparer administrativement
Les démarches pour retirer la LPP nécessitent la constitution d’un dossier complet et rigoureux : justificatifs d’indépendance, formulaires à remplir, attestations, lettres explicatives. Toute erreur ou document manquant peut retarder, voire compromettre, le versement des fonds.
Se faire accompagner
Il est fortement conseillé de faire appel à un conseiller financier, un fiduciaire ou un avocat spécialisé. Ces professionnels peuvent évaluer la pertinence du retrait, vérifier la conformité du dossier, anticiper les conséquences fiscales et recommander des mesures complémentaires de sécurité financière.
Contactez-nous et obtenez une consultation
Contact
Quelles sont les conditions à remplir pour accéder à ses avoirs LPP ?
Le retrait anticipé des fonds du 2e pilier ne peut s’effectuer que sous certaines conditions précises, clairement définies par la loi. Il ne suffit pas de vouloir créer une entreprise : il faut prouver que l’on satisfait à plusieurs critères stricts.
Condition 1 : Cesser toute activité salariée
La première exigence est d’avoir mis fin à toute activité professionnelle dépendante. En d’autres termes, l’assuré ne doit plus être affilié à une caisse de pension au titre d’un emploi salarié. Il doit avoir quitté son poste de manière définitive pour se lancer dans une activité indépendante. La fin du contrat de travail doit être justifiée par un certificat de cessation d’activité ou un courrier de résiliation.
Condition 2 : Obtenir le statut officiel d’indépendant
Il est impératif de prouver que l’on a commencé une activité indépendante. Cette preuve peut être fournie via :
Une attestation de l’AVS confirmant l’enregistrement en tant qu’indépendant
Une inscription au Registre du commerce (selon la forme juridique choisie)
Des justificatifs d’activité économique (factures, contrats clients, site web actif, etc.)
Les caisses de pension peuvent exiger plusieurs documents pour s’assurer que l’activité est effectivement lancée et durable.
Condition 3 : Choisir une forme juridique admissible
Seules certaines formes juridiques sont compatibles avec un retrait anticipé du 2e pilier. En principe, l’activité doit être exercée en nom propre, en entreprise individuelle ou en société de personnes (société en nom collectif, société en commandite). Les formes de sociétés de capitaux (SA, Sàrl) sont en principe exclues, car elles impliquent une séparation juridique entre la personne et l’entreprise.
Cependant, certains cantons acceptent le retrait pour la création d’une Sàrl si l’entrepreneur exerce une activité opérationnelle principale au sein de la société et en détient au moins 50 % du capital. Cette souplesse reste marginale et dépend fortement de l’interprétation de la caisse de pension.
Autres conditions administratives
Outre ces critères majeurs, le retrait anticipé suppose de :
Remplir une demande formelle auprès de la caisse de pension
Fournir tous les documents justificatifs demandés
Attendre la validation du dossier par la caisse, ce qui peut prendre plusieurs semaines
Certaines caisses imposent aussi un entretien personnel ou une confirmation écrite des objectifs de l’entrepreneur. Il est crucial de respecter chaque exigence pour éviter les refus ou les retards de paiement.
Le retrait anticipé de l’avoir LPP pour créer son entreprise n’est pas sans conséquences fiscales. Bien que cette opération soit légale, elle entraîne automatiquement une imposition du montant retiré, selon des règles spécifiques à la fiscalité suisse.
Imposition du capital retiré
Le montant prélevé sur le 2e pilier est soumis à une imposition à un taux préférentiel. Toutefois, ce taux varie fortement en fonction :
Du canton et de la commune de résidence fiscale
Du montant retiré
De la situation personnelle de l’assuré (marié, célibataire, avec ou sans enfants)
Il est important de noter que cette imposition est calculée séparément du revenu courant et fait l’objet d’un barème propre. Le montant de l’impôt peut représenter entre 5 % et 15 % du capital retiré. Par conséquent, un retrait de CHF 100'000.– peut entraîner une charge fiscale de CHF 7'000.– à CHF 12'000.–, selon les cas.
Planification fiscale recommandée
Pour minimiser l’impact fiscal, il est recommandé :
De demander un calcul d’impôt prévisionnel à l’administration fiscale cantonale
D’étaler le retrait si possible (par exemple, en plusieurs étapes ou par ménage)
De choisir une période fiscale plus avantageuse (changement de domicile, baisse de revenus, etc.)
Un conseiller fiscal pourra analyser les meilleures options et éviter toute mauvaise surprise. En outre, il faut veiller à provisionner l’impôt dû immédiatement après le retrait pour ne pas entamer involontairement le capital dédié à l’activité.
Effets sur le patrimoine personnel
D’un point de vue patrimonial, retirer sa LPP revient à utiliser une épargne retraite pour un investissement à risque. En cas d’échec entrepreneurial, l’avoir ne pourra pas être reconstitué sans effort significatif. De plus, certains créanciers peuvent saisir une entreprise fondée avec des fonds personnels, ce qui expose indirectement le capital à des pertes. Prévoir une stratégie de Modification société au Registre si votre activité évolue ou change de forme juridique.
Il est donc recommandé de :
Éviter d’engager l’intégralité de son avoir LPP
Conserver une partie pour sa sécurité personnelle ou en prévision d’une couverture de prévoyance complémentaire
Étudier les solutions d’assurance pour compenser la perte de couverture invalidité et décès liée au retrait
Impact sur les prestations sociales
Le retrait anticipé de la LPP peut également influencer d’autres droits sociaux :
Réduction de la base de calcul pour certaines prestations cantonales
Impact sur les subventions ou allocations (selon les cantons)
Nécessité d’une nouvelle affiliation pour les assurances sociales si l’entrepreneur recrute du personnel
La création d’entreprise à l’aide du 2e pilier est donc une opération engageante, qui doit être pensée dans une perspective globale : fiscale, patrimoniale, sociale et juridique.
Contactez-nous et obtenez une consultation
Contact
Faire appel à un professionnel : un accompagnement stratégique
Le retrait anticipé du 2e pilier pour créer une entreprise n’est pas une simple formalité administrative. Il s’agit d’une opération à forts enjeux financiers, juridiques et humains. Être accompagné par un professionnel permet de sécuriser l’ensemble de la démarche et d’éviter des erreurs aux conséquences potentiellement graves.
Un conseiller fiscal pour anticiper l’imposition
La fiscalité liée au retrait de la LPP peut varier considérablement d’un canton à l’autre. Un expert fiscal pourra :
Réaliser une simulation personnalisée de l’impôt dû
Recommander des stratégies de retrait étalé ou coordonné
Anticiper les conséquences sur la fiscalité personnelle et sur celle du ménage
Cette approche préventive permet d’éviter de désagréables surprises, voire des contentieux avec l’administration fiscale.
Un avocat ou un fiduciaire pour le montage juridique
Le choix de la forme juridique influence directement la possibilité d’accéder à la LPP. Un professionnel du droit des sociétés saura recommander la structure la plus adaptée (entreprise individuelle, Sàrl avec majorité de parts détenues, etc.) et assurer la conformité des documents transmis à la caisse de pension.
Il pourra également assister dans la rédaction des statuts, la déclaration d’indépendance, l’ouverture du compte bancaire professionnel et l’obtention de l’attestation AVS nécessaire au retrait.
Un conseiller en prévoyance pour évaluer les risques
Puisque le retrait impacte directement les couvertures en cas de décès, d’invalidité et à la retraite, il est essentiel d’analyser les lacunes potentielles et d’anticiper leur remplacement. Des outils concrets comme le business model canvas, pour clarifier votre modèle économique dès le départ. Un conseiller indépendant pourra proposer :
Des solutions d’assurance (perte de gain, assurance vie, rente invalidité)
Des compléments de 3e pilier
Des stratégies de reconstitution de la prévoyance
Accompagnement dans la durée
Enfin, faire appel à un expert permet de bénéficier d’un accompagnement au-delà du retrait lui-même. Il pourra suivre l’évolution de la situation entrepreneuriale, recommander des ajustements (assurances, fiscalité, statut juridique) et sécuriser les démarches futures (dépôt de bilan, rachat de prévoyance, réaffiliation à une caisse). S’appuyer sur un guide étape par étape comme celui sur Créer une entreprise individuelle permet d’éviter les erreurs.
Un investissement dans l’expertise est souvent plus rentable qu’un retrait mal encadré. Pour beaucoup d’entrepreneurs, cet accompagnement fait la différence entre un projet fragile et un lancement solide.
Contactez-nous et obtenez une consultation
Contact
Conclusion
Le retrait anticipé du 2e pilier pour créer son entreprise peut être un levier de financement efficace, mais il n’est pas sans contreparties. Il affecte la prévoyance personnelle, la fiscalité, les assurances sociales et expose à certains risques patrimoniaux. C’est pourquoi cette démarche doit être mûrement réfléchie, préparée et accompagnée. Ou de se référer au guide complet pour entrepreneurs pour une vision globale et durable de votre activité.
Avant de débloquer sa LPP, l’entrepreneur doit :
S’assurer que son projet est réaliste et bien structuré
Connaître les conditions d’accès et les implications juridiques
Anticiper l’impact fiscal et les conséquences sociales
Mettre en place des solutions de remplacement en matière de prévoyance
Enfin, il est fortement recommandé de se faire conseiller par des professionnels compétents pour sécuriser l’ensemble du processus, depuis la constitution du dossier jusqu’au suivi du projet dans la durée.
Retirer sa LPP pour se lancer dans l’indépendance est un acte fort, engageant et porteur de sens. S’il est bien géré, il peut représenter une opportunité unique de transformation personnelle et professionnelle.
Oui, un retrait anticipé du 2e pilier est possible pour financer une activité indépendante en Suisse, sous certaines conditions strictes.
Il faut avoir cessé toute activité salariée, être officiellement reconnu comme indépendant (attestation AVS), et exercer une activité en nom propre ou en société de personnes.
Non, sauf exception. Le retrait est réservé aux indépendants. La création d’une Sàrl est acceptée dans certains cas si l'entrepreneur détient au moins 50 % du capital et exerce une activité opérationnelle.
Oui, le montant retiré est soumis à une imposition séparée à un taux préférentiel, qui varie selon le canton et le montant.
Oui. Le retrait met fin à la couverture LPP, notamment en cas de décès ou d’invalidité. Il est donc recommandé de souscrire une assurance privée complémentaire.
Un certificat de fin de contrat salarié, une attestation AVS d’indépendant, une inscription au registre du commerce (si nécessaire), des justificatifs d’activité, et une demande officielle à la caisse de pension.
La procédure peut prendre de 2 à 8 semaines selon la caisse de pension et la qualité du dossier fourni.
Non, le capital retiré ne peut pas être reversé. Il est toutefois possible de procéder ultérieurement à un rachat volontaire du 2e pilier.
Oui, car en cas d’échec entrepreneurial, le capital est perdu. Il est conseillé de ne pas engager la totalité de son avoir LPP et de diversifier ses sources de financement.
Oui, l’accompagnement par un avocat, fiduciaire ou conseiller fiscal est vivement recommandé pour sécuriser les démarches, optimiser la fiscalité et préserver sa couverture sociale.
Avertissement juridique. Cet article ne constitue pas un conseil juridique et ne crée pas de relation avocat-client. Il est fourni uniquement à des fins d’information.
Avertissement : Les informations contenues sur ce site web ne constituent pas un conseil juridique et ne créent pas de relation avocat-client. Les informations, documents ou formulaires fournis ici sont destinés à des fins d’information générale uniquement et ne doivent pas être considérés comme des conseils juridiques. Les lois évoluent périodiquement ; par conséquent, les informations présentées sur ce site peuvent ne pas être à jour. Il est essentiel de consulter un avocat afin de déterminer vos droits et obligations en vertu de la législation applicable et en fonction de votre situation spécifique.